Des neurochirurgiens ont opéré une femme pendant qu’elle jouait du violon !
Pour s’assurer qu’ils n’étaient pas en train d’endommager une zone indispensable pour jouer de la musique, les chirurgiens ont réveillé la patiente pendant son opération.
Ce n’est pas tous les jours qu’ils travaillent en musique. En janvier 2020, des neurochirurgiens du King’s College Hospital à Londres ont opéré une femme pendant qu’elle jouait du violon. Pour les médecins, l’objectif était de parvenir à lui retirer une tumeur cérébrale en évitant d’abîmer par inadvertance les zones impliquées dans les mouvements de sa main gauche. Une opération délicate, qui a permis de retirer plus de 90% du volume de la tumeur, comme l’a expliqué l’hôpital dans un communiqué.
En 2013, Dagmar Turner, une ancienne consultante en gestion aujourd’hui âgée de 53 ans, a appris qu’elle était atteinte d’un gliome étendu de stade 2, un type de tumeur du cerveau qui évolue assez lentement. Pendant plusieurs années, Dagmar a fait l’objet d’une surveillance médicale étroite. Mais à l’automne 2019, les médecins s’aperçoivent que la tumeur a grossi et qu’elle devient plus agressive. Un retrait par chirurgie s’impose.
Opérer sur patient éveillé: une pratique fréquente
La tumeur est située dans le lobe frontal droit (à l’avant et à droite du cerveau), tout près d’une zone cruciale pour le contrôle des mouvements fins de la main gauche. L’opération est risquée: le moindre faux pas des chirurgiens peut faire perdre à Dagmar l’usage de sa main. Or celle-ci est indispensable à sa pratique du violon, sa passion. La quinquagénaire est d’ailleurs membre de l’Orchestre symphonique de l’île de Wight, dans le sud de l’Angleterre. «Le violon est ma passion: j’en joue depuis l’âge de 10 ans. L’idée de ne plus pouvoir jouer me brisait le cœur», a raconté Mme Turner.
Les médecins ont alors une idée: réveiller la musicienne au milieu de l’opération pour la faire jouer et ainsi s’assurer qu’ils ne touchent pas une zone sensible. Cette technique est de plus en plus fréquemment utilisée en chirurgie du cerveau. Les patients, d’abord endormis le temps d’accéder à la tumeur, sont ensuite réveillés et soumis à des tests moteurs ou de langage. Par ce moyen, le chirurgien est capable de connaître immédiatement l’impact du moindre geste sur le cerveau de son patient.
«Nous pratiquons environ 400 résections (ablation de tumeurs, ndlr) par an, ce qui implique souvent de réveiller des patients pour qu’ils répondent à des tests de langage», a expliqué le Pr Ashkan, lui-même pianiste. «Mais c’était la première fois que je faisais jouer d’un instrument à un patient». Selon lui, 90% de la tumeur a été enlevée, «dont toutes les zones suspectées d’activité agressive», tout en permettant à la violoniste de «conserver le plein usage de sa main gauche». «Grâce à eux, j’espère pouvoir réintégrer mon orchestre très bientôt», s’est félicitée Mme Turner, qui est sortie de l’hôpital trois jours après son opération et a pu retrouver son mari et son fils de 13 ans.
Ce type d’opération n’est pas une première. En 2017, nous rapportions déjà le cas d’un jeune homme saxophoniste professionnel, opéré dans les mêmes conditions pour une tumeur cérébrale.
Article de : Cécile Thibert - AFP